Dépression et psychiatrie

En psychiatrie le terme dépression (ou dépression nerveuse), du latin dépression, « enfoncement » est d’un usage relativement récent, c’est autour du XIXe siècle qu’il est apparu dans son usage psychologique .

Il a progressivement et – en partie – supplanté le terme ancien de mélancolie qui est devenu « lypémanie » (« folie triste ») avec Esquirol (1819) puis à nouveau « mélancolie », réhabilité à la fin du 19ème avec Emil Kraepelin pour désigner les syndromes qu’on appelle aujourd’hui « dépression majeure » (troubles bipolaires, cyclothymie, etc.). Notons que Kraepelin l’entendait surtout dans le sens de psychose maniaco-dépressive avec l’alternance des phases maniaques ou hypomaniaques et dépressives.

Autant donc préciser d’emblée que tous ces termes sont souvent utilisés pour désigner des entités aux contours qui ne sont pas clairement établis. Si l’on ajoute que les pays où ils ont été utilisés n’ont pas tous la même tradition psychiatrique, que ce soit pour les terminologies ou la nature des troubles décrits on comprend qu’une certaine confusion règne qui n’a pas été totalement abolie par les nouvelles classifications internationales CIM ou américaine DSM. Il n’est donc pas banal ni totalement absurde de dire que la – ou les – dépressions en psychiatrie sont aujourd’hui ce que soignent les antidépresseurs et ceci même si c’est loin d’être satisfaisant du point de vue épistémologique ! Roland Gori se demande comment on en est arrivé à la diffusion du diagnostic « déprimant » de dépression classé comme un des fléaux de santé du moment. Il interroge le fait qu’on en soit arrivé à un diagnostic qui selon lui est au moins autant en rapport avec les normes sociales qu’avec la réalité d’une entité réelle que serait la dépression: -un diagnostic « liquide » pour une civilisation « liquide » (…) Peut-être la notion molle de dépression n’est-elle que le cache misère de cette civilisation qui désavoue la valeur de la mélancolie ? se demande-t-il encore. Il poursuit en affirmant qu’au delà d’une pathologie, dans la mélancolie résident ‘les fondements de la subjectivité de l’individu.

Définitions
Le terme recouvre actuellement et au moins trois significations : il peut se rapporter à un symptôme, un syndrome ou une entité nosologique, dans le langage actuel une maladie qui se manifeste par une perte de l’élan vital (lassitude, dépréciation de soi, pessimisme, etc.) qui entraîne notamment avec soi et les autres, l’entourage en particulier. Selon Henri Ey dans une définition qui reste totalement pertinente : « il ‘agit d’un processus pathologique extrêmement complexe (…) De toute manière, soit comme conséquence soit comme simple association, on trouve ajoutés aux troubles de l’humeur deux autres phénomènes : « l’inhibition » et la « douleur morale » ». L’inhibition est « une sorte de freinage ou ralentissement des processus psychiques de l’idéation qui réduit le champ de la conscience et les intérêts, replie le sujet sur lui-même et le pousse à fuir les autres et les relations avec autrui. Subjectivement, le malade éprouve une lassitude morale, une difficulté de penser, d’évoquer (troubles de la mémoire), une fatigue psychique. (…) La douleur morale s’exprime sous forme d’auto-dépréciation qui peut devenir auto-accusation, auto-punition et un sentiment de culpabilité[6]. » Les mécanismes biologiques, neuropsychiques, psychologiques, sociologiques de la dépression sont constamment en interaction et il n’est pas possible aujourd’hui de réduire la dépression à l’un d’eux exclusivement même si des progrès importants ont été réalisés ces dernières années. Le plus notable de ces progrès est donc que médecins et patients disposent maintenant de médicaments efficaces (antidépresseurs) qui agissent sur les effets de certaines dépressions mais sans par ailleurs pouvoir en atteindre les causes. Ces médicaments entraînent souvent par ailleurs des effets secondaires non-négligeables (prise de poids, baisse de la libido) qui rendent le médecin attentif à la balance « coûts-bénéfices » dans l’indication et la durée du traitement prescrit. Il faut être attentif qu’en psychopathologie on utilise parfois encore la distinction entre dépression et mélancolie (cf. Kraepelin) qui, pour la dernière, en est la forme la plus grave et dangereuse en terme de risques suicidaires. Notons que les troubles dépressifs se doublent souvent de troubles physiques, douleurs d’origine indéterminées, anorexies, etc., etc.; on parlait d’ailleurs de dépression masquée pour toute une série de troubles physiques cachant une dépression. Les dépressions peuvent aussi se déclarer avec d’autres psychopathologies, psychoses, névrose traumatique, etc.

Comme entité nosologique au contour plus ou moins précisément établis les dépressions sont fréquentes et, d’après des études statistiques, atteignent presque 20 % de chaque humain au cours d’une vie. Le risque évolutif le plus grave de cette pathologie est le suicide, en particulier quand la dépression passe inaperçue et qu’elle n’est pas prise en charge. Ainsi et en France, on estime à près de 70 % des personnes décédant par suicide qui souffraient d’une dépression le plus souvent non diagnostiquée et traitée. Les dépressions peuvent se manifester chez le nourrisson, l’enfant et l’adolescent (rarement sous la même forme que chez l’adulte), chez l’adulte et chez les personnes âgées chez qui elle est fréquente.

Il ne faut pas confondre la dépression avec ce qu’on appelle communément « coup de blues » ou « déprime » qui traduit une tristesse passagère, normale dans une situation difficile.
Un état dépressif peut être le signe avant-coureur d’une affection mécanique du cerveau : sclérose en plaques, maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, tumeur cérébrale ou maladie vasculaire. Il arrive parfois que la recherche des causes psychologiques de la dépression ralentisse le diagnostic d’une neuropathologie, il est donc important de signaler au médecin tout symptôme associé à l’état dépressif : problèmes de perception, problèmes de motricité, etc. La plupart des psychanalystes et autres psychothérapeutes ne sont pas qualifiés pour établir ce type de diagnostic.
Le terme dépression en psychanalyse est différent de celui de la psychiatrie phénoménologique descriptive, il décrit un processus psychique douloureux lié à une perte sans être nécessairement pathologique. On distingue une dépression, (« dépressivité » , Position dépressive) normale d’une dépression pathologique.
En philosophie, en littérature on utilise souvent le terme mélancolie comme équivalent de la dépression ou dépression existentielle .

La dépression existe de tout temps: Homère en parlait dans le chant VI de l’Iliade à propos de Bellérophon qui subit la colère des dieux: Objet de haine pour les dieux, Il errait seul dans la plaine d’Alcion, le cœur dévoré de chagrin, évitant les traces des hommes. C’est aussi Homère qui le premier vante la puissance guérissante du pharmakon un mélange d’herbes aux vertus soulageantes. Hippocrate dans les Aphorismes écrit: Quand la crainte et la tristesse persistent longtemps, c’est un état mélancolique. Voici donc qu’apparaît la « bile noire » et la théorie des humeurs dont il est l’initiateur et qui restera en vigueur jusqu’à l’avènement de la médecine moderne. Galien au XVIIIe siècle par exemple maintiendra cette théorie qui promeut par ailleurs une série de traitements qui vont des traitements médicaux et pharmaceutiques, aux cures « philosophiques » (moraux), religieuses ou même musicales, etc. C’est avec Pinel et Esquirol principalement que le rôle présupposé du cerveau est mis en cause ainsi que des causes dites « morales » (aujourd’hui on dirait psychologiques). Un mal essentiellement psychique appelle ainsi des remèdes psychologiques, Esquirol (1772-1840) écrivait ainsi: La médecine morale (aujourd’hui on dirait psychothérapie), qui cherche dans le cœur les premières causes du mal, qui plaint, qui pleure, qui console, qui partage les souffrances et qui réveille l’espérance, est souvent préférable à toute autre. Les idées n’évoluent guère jusqu’en 1900 mais les cures proposées rivalisent d’imagination . Tout était bon pour distraire le déprimé de ses humeurs sombres !

Les psychanalystes, Sigmund Freud , Karl Abraham et Mélanie Klein ont permis l’émergence d’une vision processuelle de la dépression mais c’est les succès de la pharmacologie qui ont donné à la dépression sa dimension actuelle.

A défaut de savoir suffisamment comment l’expliquer on pensait maintenant pouvoir au moins la guérir. C’est le psychiatre suisse Roland Kuhn, proche des milieux psychanalytiques qui en 1956, découvre les effets antidépresseurs de l’imipramine. Le laboratoire pharmaceutique Geigy refuse d’abord d’en financer le développement, jugeant alors le marché de la dépression trop étroit mais les avis ont évolué sur ce sujet. Ces premiers antidépresseurs ont principalement été prescrits à l’hôpital par des psychiatres par crainte des effets secondaires. À partir de la fin des années 1980, de nouveaux antidépresseurs arrivent sur le marché avec moins de ces effets indésirables. Ils sont dès lors prescrits par tous les médecins et pas seulement les psychiatres et parfois en deçà des indications habituelles. On a pu croire que le moindre état de tristesse pouvait justifier une prescription en minimisant cependant des effets secondaires non négligeables comme la prise de poids et la baisse de libid. La question de la dépression – à vrai dire on devrait plutôt en parler au pluriel – est en grande partie devenue une affaire de marché des pharmas. Le psychiatre allemand Hubertus Tellenbach a théorisé les différents aspects du problème des dépressions de manière complète et aboutie du point de vue psychopathologique . Son ouvrage reste une référence au plan international. L’une de ses affirmations était qu’il n’était pas question de voir dans la mélancolie dans une soumission aux stricts modèles physico-chimiques. Pour lui les disciplines comme la philosophie (Heidegger notamment), la psychologie, les apports des psychanalystes comme Sigmund Freud et Karl Abraham , la psychiatrie à travers les apports de Kraepelin et Kretschmer sont complémentaires et indispensables pour comprendre en profondeur le phénomène. La pharmacologie ne résout pas tout, pas plus du temps des premiers antidépresseurs qu’à l’heure actuelle !

Étiologies des dépressions
De plus en plus et comme pour nombre de troubles psychiques, les dépressions sont appréhendées comme résultant de l’interaction d’un ensemble de facteurs psychologiques, biologiques, sociaux et génétiques. Classiquement on formule ceci ainsi qui peut se représenter sous forme d’une étoile : la dépression est le résultat d’un facteur actuel de crise qui se présente comme « l’élément déclenchant » qui – c’est une tendance actuelle – retient trop souvent toute l’attention du clinicien qui se rive ainsi à la synchronie en négligeant la diachronie, notamment l’histoire de vie du sujet et l’interaction de :

Facteurs psychologiques individuels relevant de la contingence biographique du sujet (petite enfance, enfance avec la latence, adolescence, etc.) et son vécu actuel,
De facteurs dus aux prédispositions constitutionnelles,
De ceux relevant de l’environnement familial, professionnel, socioculturel.
Hypothèses sur les facteurs biologiques
À chaque état psychologique correspondrait un état physiologique. Nous sommes habitués à considérer cet aspect en ce qui concerne le stress, par exemple, que nous relions à l’adrénaline. Cela fait partie du langage populaire. Des études ont montré la présence de différentes dysfonctions neurobiologiques chez les gens déprimés. Entre autres, les niveaux de sérotonine et la noradrénaline (des neurotransmetteurs) sont impliqués dans la dépression.

Un certain nombre d’anomalies biologiques ont ainsi été retrouvées dans le sang ou le cerveau des dépressifs. Il n’est cependant pas toujours clair si ces anomalies sont causes ou conséquences de la maladie, ce qui peut expliquer certains échecs des traitements médicamenteux. Elles ouvrent toutefois la voie à de nouvelles thérapeutiques pharmacologiques.

Les recherches sur les causes de la dépression ont mené les chercheurs à se pencher sur la chimie du cerveau. Au début des années cinquante, certains neurotransmetteurs de la classe des monoamines attirèrent l’attention. Ces neurotransmetteurs, tous dérivés d’un acide aminé, comprenaient la dopamine, la noradrénaline et la sérotonine. On sait maintenant qu’un mauvais fonctionnement du circuit de noradrénaline ou de sérotonine contribue à la dépression chez certains individus, mais les neurotransmetteurs commencent à peine à livrer leurs mystères et même aujourd’hui, on ne connaît pas encore toutes leurs implications sur le comportement humain. L’une des hypothèses est que la recapture présynaptique des monoamines est trop forte, ce qui crée un manque de ces neurotransmetteurs. Il a aussi été démontré que les neurotransmetteurs sont détruits pendant leur traversée par des enzymes, les monoamines oxydases. La noradrénaline est détruite en une substance qui se dose dans les urines le méthoxyhydroxyphénylglycol ou MHPG or on a vu chez de nombreux déprimés une excrétion urinaire de MHPG (venant de la noradrénaline) diminuée. L’action de cette enzyme serait donc trop forte. L’hyperactivité de cette enzyme a été démontrée chez certains dépressifs grâce à une étude scintigraphique cérébrale. Cela expliquerait l’efficacité de certains traitements anciennement prescrits, de type inhibiteur des monoamine oxydases, appelés communément IMAO.

Une autre hypothèse serait la présence d’une anomalie des récepteurs cérébraux. Cette théorie évoque une anomalie du nombre des récepteurs post-synaptiques. Elle concerne encore les monoamines neuromédiatrices mais selon un modèle différent. Le nombre des récepteurs où viennent se fixer les neurotransmetteurs après leur traversée de la synapse n’est pas fixé mais il se modifie en fonction de leur quantité afin de maintenir une transmission d’influx assez constante :

S’il y a beaucoup de neurotransmetteurs, le nombre des récepteurs va tendre à diminuer. Le message nerveux passera mal .
Si, à l’inverse, il y a peu de transmetteurs le nombre s’accroît pour recevoir au mieux les neurotransmetteurs afin de préserver le plus possible la transmission. S’il s’accroît trop les récepteurs ne sont plus assez stimulés.
Par ailleurs, la sensibilité de ces récepteurs peut être modulée par divers mécanismes.

Le rôle du cortisol, hormone dont la production est augmentée en cas de stress, semble également crucial. Son taux est significativement augmenté en cas de dépression, secondairement à l’augmentation de la CRH. Par contre, les médicaments ciblant l’inhibition de sa production se sont révélés d’une efficacité décevante.

Il est retrouvé parfois un déficit intracérébral de BDNF (« Brain-derived neurotrophic factor »), un facteur permettant la croissance des neurones et la plasticité des synapses (jonctions entre les neurones). Cette baisse est cependant peu spécifique, car retrouvée dans plusieurs affections psychiatriques.

D’autres marqueurs sont en cours d’étude. Parmi ces derniers on peut citer l’homocystéine] et les oméga-3.

Hypothèses sur les facteurs psychologiques
L’aspect biologique n’est pas nécessairement « la cause » de la dépression. Comme le pensent la plupart des spécialistes, c’est l’un et l’autre des facteurs et leur interaction qui sont en cause. Les différents modèles psychologiques expliquent chacun à leur manière, parfois de manière contradictoire parfois complémentaire les processus psychiques e/ou comportementaux des dépressions (cf. behaviorisme, psychanalyse, etc.).

Pour les spécialistes issus du behaviorisme, on explique que lorsqu’une personne est dépressive, elle a tendance à voir la réalité de façon plus négative. En retour, cette interprétation plus négative amplifie les émotions dépressives. D’autre part, les interprétations négatives de la réalité et les émotions dépressives influencent les comportements (amenant par exemple de la passivité) qui, en retour, ont un impact sur les pensées et les émotions. Pour les psychanalystes, il existe aussi des facteurs intrapsychiques souvent inconscients qui relèvent par exemples des processus de deuils, d’une angoisse de perte d’objet ou autres conflits. Freud dans Deuil et mélancolie, Karl Abraham, et Mélanie Klein, etc., ont ouvert le champ d’une compréhension profonde de la dépression.

En dehors de ces points de vue qui sont importants pour les traitements, toutes sortes d’échelles ont été établies sur les typologies (cf. Ernst Kretschmer) et les facteurs de prédisposition’ aux dépressions (cf. par exemple les Profils de dépression de Fr. Lelord et Ch. André). Il en existe encore plusieurs comme celles qui mettent en avant les « taux » de stress par événements (deuil, accident, déménagement, etc., etc.) qui sont classés par l’incidence qu’ils sont censés avoir pour l’apparition d’une dépression. Toutes ces échelles mettent en cause des événements externes au sujet et tentent ainsi d’expliquer les dépressions dites réactionnelles.

Hypothèses sur les facteurs génétiques
Il est reconnu que pour certaines dépressions des facteurs héréditaires jouent un rôle dans la création du déséquilibre chimique dans le cerveau d’une personne lorsqu’elle vit une dépression. Même si certains gènes sont impliqués dans la dépression, il ne semble pas qu’ils déclenchent inévitablement la maladie. Ils se contenteraient de transmettre une susceptibilité à entrer plus facilement dans un état dépressif. Susceptibilité qu’un évènement extérieur où une personnalité particulière pourrait transformer en véritable dépression. La part génétique de la dépression est de l’ordre du tier(ce qui est moins que pour une schizophrénie ou un syndrome bipolaire). Cette héritabilité serait plus importante dans les formes graves ou survenant précocement. Il est également important de réaliser que peu importe le ou les facteurs ayant précipité une personne dans un état dépressif, la voie finale commune de la dépression, si l’on peut dire, implique un déséquilibre de certains neurotransmetteurs dans le cerveau.

Plusieurs gènes sont à l’étude. Parmi ces derniers, la présence d’un polymorphisme du gène d’un transporteur de la sérotonine (5-HTTT) serait associé significativement à la survenue d’une dépression réactionnelle aux stress de la vie quotidienne.

Hypothèses sur les facteurs sociaux
Des séparations précoces dans l’enfance ou la petite enfance rendent souvent davantage sujet à des dépressions à l’âge adulte (cf. les études de René Spitz).

Un environnement pénible (rythme de vie effréné, soucis professionnels et/ou familiaux, chômage, divorce, deuil, isolement, déracinement, déménagement) pourrait rendre plus sujet à l’apparition et/ou au maintien d’une dépression. L’importance et la qualité du soutien que nous recevons par nos relations interpersonnelles (proches parents, conjoints, enfants, amis…) peut nous protéger contre le stress et les tensions de la vie quotidienne, et réduire les réactions physiques et émotionnelles au stress, l’une d’entre elles pouvant être la dépression. D’autre part l’absence d’une relation étroite, de confiance, peut augmenter le risque de dépression.

Diagnostic
Le diagnostic de la dépression est devenu une question épistémologique importante. En effet, au vu de l’évolution des idées en psychiatrie, la pratique clinique tend à perdre du terrain face à des systèmes de questionnaires auto- ou hétéro-administrés (par ex.: l’échelle de dépression de Hamilton, celle de Beck, celle de Yesavage, ou encore de HAD…) qui présentent l’avantage de donner des réponses quantifiables et l’inconvénient de trop souvent se substituer à l’évaluation clinique, seule à même de mettre à jour les éléments subjectifs propres à chaque patient, notamment les idées suicidaires. Il suffit de préciser que les formulaires de ces échelles sont souvent distribués gratuitement aux médecins toutes spécialités confondues par les entreprises pharmaceutiques pour mesurer quel en est l’enjeu économique. L’examen psychologique est une technique diagnostique pratiquée par des psychologues cliniciens et qui vise à préciser la nature de la/ ou les dépression/s dans leur fondement structurel afin de par exemple délimiter ce qui relèverait d’une mélancolie (psychotique) d’une dépression (névrotique ou cas-limite) Il n’existe par ailleurs et pour le moment aucun marqueur biologique de la dépression. Les classifications DSM et CIM ont d’abord été pensées pour la recherche et ne visaient pas à se substituer au savoir clinique et à la réflexion psychopathologique des praticiens (psychiatres et psychologues cliniciens). La diffusion de ces systèmes de classification, l’impact qu’ont eu les entreprises pharmaceutiques dans leur élaboration, posent des questions d’intérêts où le souci scientifique n’est pas le seul en cause. Notons que les milieux spécialisés tendent de plus en plus à se réapproprier leur démarche en psychopathologie afin d’éviter ces biais commerciaux qui ont desservi leurs patients
L’humeur (ou thymie) dépressive
On observe au cours de la dépression un ensemble de symptômes organisés autour d’une perturbation de l’humeur dite humeur dépressive (ou thymie dépressive). Par le terme humeur, on désigne la disposition affective de base donnant un éprouvé agréable ou désagréable oscillant entre les deux pôles extrêmes du plaisir et de la douleur. L’humeur peut être normale (on parle alors d’euthymie), expansive ou hyperthymique comme dans le syndrome maniaque, ou encore triste voire mélancolique comme dans le syndrome dépressif.

L’humeur dépressive est un éprouvé négatif (distorsions cognitives) de la relation du sujet au monde et à lui-même : sentiment que sa vie est un échec, la situation sans espoir, l’avenir impossible, perte du plaisir (anhédonie) et d’intérêt. Au cours du syndrome mélancolique, cette sensation pénible est poussée à son paroxysme, et l’on parle alors de douleur morale.

La variété des symptômes associés à cette perturbation de l’humeur, des profils évolutifs, des contextes d’apparition a conduit à proposer des classifications des troubles dépressifs, lesquelles ont varié au cours du temps. Il est utile également de différencier les dépressions des différents âges de la vie, qui conduisent à des tableaux bien différents.

La dépression chez l’adulte
Du point de vue de la psychiatrie, la dépression est un trouble de l’humeur pouvant résulter de l’interaction d’un ensemble de facteurs :

Biologiques (déséquilibre dans la chimie des neurotransmetteurs du cerveau),
Psychologiques (intrapsychiques)
Sociaux (ex : divorce, chômage, etc.)
Dans cette perspective, il s’agit d’un trouble psychiatrique, comportant souvent des risques, pouvant parfois mener au suicide. Du point de vue épidémiologique, les chercheurs estiment que cette maladie est sous-diagnostiquée, sous-estimée et sous-traitée. Elle se manifeste la plupart du temps par une conjonction et/ou une addition de symptômes comme :

Troubles du sommeil ;
Manque d’énergie, de motivation ;
L’humeur triste ;
Irritabilité ;
Mal de vivre
Chez l’enfant et l’adolescent, les dépressions se manifestent de manière moins typique avec des symptômes variables qui cachent la tristesse ou le désespoir.

Les entités selon les différentes classifications
Il est à noter que le recensement des différents aspects de la dépression énoncé ci-dessous est purement descriptif et qu’il ne tient nullement lieu d’explication psychologique.

L’épisode dépressif majeur (CIM DSM)
Ce terme, proposé par le DSM, signifie en fait « dépression caractérisée ». Bien qu’ils ne fassent pas l’unanimité, les critères américains du DSM-IV (Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders – Fourth Edition) du trouble dépressif majeur sont : Une personne doit présenter au moins 5 des 9 symptômes suivants pour une durée d’au moins deux semaines, la plupart du temps, entrainant un changement dans le mode de fonctionnement habituel. Au moins l’un de ces deux critères doit être présent : Humeur triste, Anhédonie.

Humeur triste (dépressive) : décrite comme plus intense que la douleur d’un deuil. Le malade est sans joie et opprimé, parfois il est incapable de percevoir tout sentiment. En général l’humeur est au pire le matin. Chez les enfants et adolescents, cela peut se manifester par une irritabilité accrue.
Anhédonie : diminution du plaisir ou de l’intérêt pour toutes activités, y compris celles qui procurent du plaisir habituellement. Les habitudes se modifient, les passe-temps sont délaissés, tout semble monotone et vide, y compris les activités habituellement gratifiantes.
Modification involontaire du poids : prise ou perte de 5 % ou plus du poids habituel en un mois. Éventuellement, modification récente de l’appétit
Troubles du sommeil : diminution (insomnie) ou augmentation (hypersomnie) du temps de sommeil
Troubles de la concentration ou du processus de prise de décision
Troubles du comportement : agitation ou ralentissement (bradypsychie) rapportée par l’entourage.
Asthénie : sensation de fatigue ou de diminution d’énergie
Sentiments de culpabilité hypertrophiés, souvent injustifiés et liés à l’auto-dépréciation du patient.
Idées noires : volonté de mourir, idées suicidaires actives, avec ou sans plan spécifique, finalement tentative de suicide.

Dépression endogène et Dépression névrotico-réactionnelle

Las de la vie. Peinture de Ferdinand Hodler (1892).Cette classification a en quelques sortes des fondements historiques, mais la distinction n’est plus guère utilisée de nos jours. [...] La dépression endogène est caractérisée par une douleur morale latente contrastant avec une indifférence affective (appelée également anesthésie affective) pour l’extérieur, un pessimisme foncier, une inhibition marquée, des thèmes d’autodévaluation et d’autoaccusation des idées délirantes de ruine, de catastrophe, d’incurabilité, une insomnie par réveil précoce, une anorexie avec amaigrissement, un dégoût de la vie inaccessible à toute argumentation. La fluctuation des symptômes dans la journée est particulière dans les dépressions endogènes : très marquée au réveil (le matin), ils tendent à s’estomper en fin de journée. Dans l’ensemble, le déprimé mélancolique méconnait l’aspect pathologique de son état et refuse tout recours médical, jugé inutile. Forme unipolaire et bipolaire de dépression : la dépression endogène est souvent l’expression d’un trouble bipolaire (anciennement dénommé « psychose maniaco-dépressive »). Celle-ci, initialement bien délimitée, tend à être divisée en catégories à cause des aspects évolutifs, des antécédents familiaux et des réponses thérapeutiques inégales au même traitement. La forme bipolaire est constituée d’accès dépressifs et d’épisodes d’excitation euphorique, séparés par un intervalle libre. La forme unipolaire est quant à elle définie par la survenue répétitive d’un seul type d’accès en règle générale dépressif.

Il existe également les dépressions secondaires, dues à des médicaments, une affection organique, une affection psychiatrique, ou encore les dépressions alexithymiques ou d’involution.

La mélancolie
Article détaillé : Mélancolie. Le terme mélancolie était utilisé en psychiatrie pour caractériser un état dépressif grave et aigu présentant de grands risques de passage à l’acte suicidaire. Il a aujourd’hui été délaissé et on utilise plus couramment l’expression dépression majeure. On parlait aussi de mélancolie stuporeuse pour décrire des états caractérisés par un ralentissement psychomoteur intense qui peut aller jusqu’à immobilité totale, un état prostré et incapable de boire ou de s’alimenter.

Considérée comme la forme la plus grave d’état dépressif majeur, la mélancolie se manifeste par :

L’intensité de la douleur morale ;
L’importance du ralentissement psychomoteur ;
Une aboulie complète ;
Des contenus de pensée particulièrement négatifs et désespérés ;
Un sentiment de culpabilité omniprésent ;
Un sentiment d’incurabilité ;
Des idées « noires » (idées d’être puni de mort, ruminations suicidaires…) ;
Une anorexie grave. (Parfois, il peut s’agir d’une boulimie, en tous les cas, troubles de l’appétit.) ;
Des réveils matinaux précoces dans un état d’angoisse douloureux.
Dépressions psychotiques
Elles se caractérisent par des délires de culpabilité, de honte universelle, de punition, de damnation, d’appauvrissement mental, de négation d’organes…

Dépressions hostiles, agressives
La personnalité du sujet semble avoir changé radicalement. Il est devenu plus agressif, plus impulsif, ses colères sont mal maitrisées, il a des violences soudaines inhabituelles… Cela viendrait du fait que le sujet ne supporte plus l’idée d’être l’objet de remarques blessantes (existantes ou supposées) à son égard : « Secoue-toi », « Tu as tout pour être heureux », etc.

La Dépression masquée
Les dépressions masquées ou hypocondriaques se caractérisent par une absence de symptômes de l’humeur dépressive avec une prépondérance des plaintes somatiques. Elles prennent souvent l’aspect d’une douleur atypique, continue, fixée, qui reste malgré la prescription d’antidouleurs. Le sujet est souvent inconscient qu’il souffre moralement, c’est la raison pour laquelle il « somatise » .

Dépressions anxieuses, agitées
Ces sujets courent un risque suicidaire élevé. Contrairement aux caractéristiques courantes de la dépression, l’agitation psychique et motrice sont majeures, ils sont enclins à des crises de panique.

Dépressions saisonnières
La dépression saisonnière s’installe à l’automne ou au début de l’hiver et dure jusqu’au printemps. Ses symptômes sont ceux de tout épisode dépressif : tristesse permanente, perte d’intérêt générale, irritabilité, troubles de sommeil, perte ou gain de poids, pensées suicidaires.
Les symptômes de la dépression saisonnière se distinguent de ceux des blues de l’hiver, lesquels ne nous empêchent pas de continuer à assumer nos activités quotidiennes. Ceux qui souffrent de dépression saisonnière sont très affectés dans leur quotidien (travail, relations…).
La cause exacte n’en est pas connue, mais la diminution de l’intensité de la lumière naturelle et de sa durée semble jouer un rôle important.

Cas particuliers
Dépression du bébé
Des tableaux de dépression graves, pouvant mettre en jeu le pronostic vital, ont été décrits depuis les années 1950 chez les bébés, notamment après de brutales pertes parentales. René Spitz a ainsi défini l’hospitalisme, état survenant lors d’une séparation brutale avec les parents, passant par une phase de pleurnichements, puis une phase de protestation, glapissement, perte rapide de poids, arrêt du développement ; puis une troisième phase de désinvestissement du monde qui l’entoure et de retrait conduisant à ce que Spitz a nommé la dépression anaclitique. Ce tableau clinique peut régresser si des mesures adéquates sont prises rapidement. S’il se prolonge, il peut être à l’origine de troubles intellectuels, des apprentissages, de difficultés psychologiques, avec une plus grande vulnérabilité aux séparations, réalisant des tableaux carentiels dont le risque évolutif est lourd.

Ce type de diagnostic doit être posé avec précaution. En particulier le diagnostic différentiel avec les troubles apparentés à l’autisme doit être évoqué . Il arrive encore aujourd’hui, qu’un mauvais clinicien confonde la dépression du bébé et l’autisme.

Dépression de l’enfant
Lorsqu’on évoque la dépression chez l’enfant on est frappé par le contraste entre sa fréquente référence au niveau théorique – notamment psychanalytique – et sa la rareté des présentations des tableaux cliniques qui ne soit pas adultomorphe. C’est la psychanalyste Mélanie Klein qui une des premières parlera de la dépression de l’enfant dans sa théorie de la position dépressive devant intervenir au sevrage, autour du sixième mois. La théorie de Mélanie Klein doit être bien connue pour être opérationnelle en pédopsychiatrie, de même que plus tard chez l’adolescent et l’adulte, les signes dépressifs peuvent être la résultante d’une défense contre la position dépressive, elles ne sont donc pas assimilables. Des auteurs nombreux, le pédiatre Donald Winnicott (qui parlait lui d’inquiétude ou de « compassion », 1954) a critiqué la précocité de cette « position » ainsi que Margaret Mahler qui la situait entre le seizième et le vingt-quatrième mois. C’est ensuite Bowlby avec ses travaux sur l’attachement qui en a étudié les effets comme conséquence des séparations (qu’il ne faut cependant pas confondre avec « dépression ») qui rejoignent en partie les observations de René Spitz citées plus haut. Lorsqu’elle se manifeste de manière qui peut s’apparenter à celle de l’adulte, la dépression de l’enfant se traduit par des pleurs, de la tristesse, de l’ennui, de l’indifférence et de la fatigue. La dévalorisation de soi s’exprime par des constats répétés: « j’peux pas », « j’y arrive pas » qui se manifestent aussi dans les jeux et au plan scolaire. L’enfant se sent mal aimé et incompris. Les symptômes physiques sont fréquents, insomnies, anorexie (atypique) maux de ventre et maux de tête. Le clinicien, dans son investigation par l’entretien clinique, le dialogue avec l’entourage : parents, enseignants et éventuellement fratrie doit détecter à partir de manifestations indirectes les signes d’un éventuelle dépression. On peut avoir recours à l’examen psychologique avec tests projectifs Rorschach, CAT ou autres. Les questionnaires randomisés ne sont pas souvent pas indiqués parce qu’ils marquent une importance exagérée au verbal dans son sens primaire ce qui n’est pas adapté aux enfants.

Par ailleurs et contrairement à l’adulte, l’enfant déprimé ne se plaint pas de tristesse ni de désespoir, et sa symptomatologie est peu bruyante. Une conférence de consensus française de 1995 a permis d’en clarifier la symptomatologie et les principes d’interventions thérapeutiques.

Les traitements de premier recours sont la psychothérapie, notamment psychanalytique ou familiale. L’un et l’autre sont souvent utilisés de manière conjointe, que ça soit dans l’approche systémique ou psychanalytique. Le rôle du pédiatre est là déterminant, c’est lui qui le premier pourra entendre la souffrance de son jeune patient et qui pourra orienter les parents chez le spécialiste à temps. Le traitement médicamenteux doit être indiqué par le spécialiste et utilisé le plus possible de manière transitoire en attendant que l’enfant s’investisse dans sa psychothérapie et s’il y parvient . Pour les petits enfants, jusqu’à six ans, la psychothérapie « parent-enfant » ou le plus souvent « mère-enfant est d’une grande aide. Un recours à un centre spécialisé (centre de jour) ou toute autre intervention sur l’environnement peuvent se montrer parfois très efficace.

Ce type de diagnostic doit être posé avec précaution. En particulier le diagnostic différentiel avec les troubles apparentés à l’autisme doit être évoqué. Il n’est pas rare encore aujourd’hui, qu’un diagnostic de dépression du bébé ou de l’enfant soit posé par erreur, pour un enfant atteint d’autisme ou d’un autre trouble envahissant du développement. Dans ce cas, la prise en charge doit être complètement différente, tant sur le plan thérapeutique qu’éducatif, l’autisme n’étant pas une forme de dépression.

Dépression de l’adolescent
La dépression à l’adolescence se manifeste, à l’instar de celle de l’enfant, très différemment de celle des l’adultes . La puberté a apporté son lot de changement physique que l’adolescence intégrera ou pas, ou plus ou moins sur le plan psychologique. Il faut toujours être attentif aux risques de passages à l’acte suicidaire. Plus que jamais, le clinicien doit éviter de se fier aux apparences, une attitude arrogante peut par exemple cacher un profond mépris de soi et de ses capacités, notamment au niveau scolaire. Des conduites addictives de toutes sortes, des troubles des conduites alimentaires, des fugues, de la violence verbale et/ou physique, etc. peuvent être des tentatives défensives pour lutter contre la dépression ou la mélancolie.

Au niveau comportemental on énumère ainsi les troubles, conformément aux classifications DSM et CIM : un trouble de l’humeur avec sentiment d’ennui, irritabilité (concernant tout l’entourage), voire hostilité et opposition, impulsivité, agressivité. On parle parfois de dépression hostile. Le dialogue devient vite impossible, remplacé par les pleurs. On observe également une tendance à l’inhibition, une anhédonie, avec désinvestissement des loisirs et des relations qui étaient investis jusque-là; des troubles somatiques : céphalées, insomnie, hypersomnie ou clinophilie, anorexie ou au contraire augmentation de l’appétit, parfois avec des crises de boulimie ; des troubles anxieux fréquemment associés : phobie sociale, attaque de panique, trouble obsessionnel compulsif, des troubles intellectuels : incapacité à penser (l’individu voit les choses mais ne ressent aucun élément positif ou négatif, n’a aucun avis…).

Une thérapie familiale et systémique ou psychanalytique est parfois indiquée, elle permet notamment à l’adolescent de ne pas se sentir « seul en cause ».

Il est parfois difficile de faire la différence entre une dépression et un simple moment évolutif de l’adolescence, et le recours à des spécialistes est préconisé. C’est d’autant plus difficile que l’adolescent tend à banaliser sa situation, soit par honte soit par sentiment de désespoir (personne ne le comprendra), soit parce qu’il ne perçoit pas ou mal son sentiment et son vécu intérieurs. C’est la clinique menée par le psychopathologue qui permet de différencier une dépression de l’autre et de mesurer sa gravité. Les tenants des TCC préfèrent utiliser des tests randomisés comme le Beck où l’on recherche alors ce qui est désigné comme une triade. Au questions suivantes, le sujet répond généralement ainsi : * « Que veux-tu faire ? » , « Rien, je ne suis bon à rien ! »; « Tu regardes un peu les informations à la télévision ? », « Non c’est nul ! »; « Tu sais ce que tu veux faire plus tard ? », « Non… ! »; « Qu’en penses-tu ? » , « Rien, je ne sais pas ». Ces trois réponses souligneraient que pour cet adolescent, tout est nul, sans valeur : lui, le monde, et surtout l’avenir.

Seul un dialogue attentif et mené avec tact par le clinicien peut permettre à l’adolescent de comprendre ce qui lui arrive et de le surmonter. Ceci peut se faire dans le cadre du cabinet de son médecin (mais il ne faut pas oublier que cet âge est difficile pour le pédiatre qui a de la peine à ne pas voir en l’adolescent qu’il a en face de lui, l’enfant qu’il connaissait mais qui a changé.) C’est donc aussi une période où il peut-être utile pour l’adolescent de changer de médecin, ceci en dehors du fait qu’une démarche psychothérapeutique soit entreprise ou non. Dans la mesure où adolescent peut y adhérer suffisamment on peut aussi indiquer une psychothérapie, psychanalytique ou pas. Parfois, dans des cas graves, une hospitalisation psychiatrique peut être nécessaire et salutaire. Malheureusement, les services adaptés aux adolescents deviennent de plus en plus rares à cause des restrictions de tous ordres ce qui prive trop souvent l’adolescent d’un traitement adéquat. Il ne faut pas non plus oublier qu’une crise d’adolescence sous tendue par une dépression peut aussi inaugurer des changements positifs et une réorganisation psychique plus intégrée. La clinique de l’adolescent oscille toujours entre le risque de dramatiser et celui de banaliser, c’est sa difficulté et sont intérêt.

Dépression de la personne âgée
Elle est fréquente, sous plusieurs formes ;

Les dépressions pseudo-démentielles, formes bien particulières, se caractérisent par des troubles graves :

De la mémoire ;
De l’orientation ;
De la vigilance ;
Du jugement ;
De régression affective ;
Des performances intellectuelles. On les rencontre généralement chez les sujets âgés, rarement chez des sujets jeunes.
De la culpabilité
Dépression et maladie d’Alzheimer
La prévalence de la dépression est très élevée (20 à 25% des cas) chez les patients Alzheimer .

Une étude récente (2008)] montre que pour la maladie d’Alzheimer, l’exposition à la lumière naturelle diminue les symptômes de dépression (de -19% dans l’étude), et que par ailleurs la prise de mélatonine facilite l’endormissement (8 min plus tôt) et allonge le sommeil de 27 mn en moyenne). L’association Lumière + mélatonine a aussi diminué les comportements agressifs (- 9%), les phases d’agitation et de réveils nocturnes.

La dépression périnatale
Article détaillé : Dépressions périnatales. La dépression pré et postnatale sont fréquentes et encore sous-diagnostiquées. La première passe souvent inaperçue, la mère a honte de son état et le cache souvent à son entourage – obstétricien inclus – qui a tendance à mettre les éventuels signes dépressifs sous le sceau de la fatigue de grossesse. L’autre est à différencier du simple baby blues qui survient le plus souvent après un intervalle libre de à 2 mois et réalise un tableau de dépression typique ou masquée ; c’est la plus fréquente des complications du post-partum, dans environ 15 % des accouchements].

Épidémiologie de la dépression
En France, la dépression frappe chaque année 3 millions de personnes âgés de 15 à 75 ans (deux fois plus de femmes que d’hommes). Sachant qu’un cas sur deux n’est pas soigné, ce chiffre progresse avec la précarité, le vieillissement et la solitude. Selon certaines études il y aurait :

15 à 22 % des patients de médecine générale montreraient des troubles dépressifs (5 à 9 % ont une dépression majeure, 2 à 4 % une dysthymie, 8 à 9 % une dépression mineure) ;
30 à 50 % des dépressions ne seraient pas diagnostiquées ;
40 à 70 % des personnes qui se suicident auraient consulté un médecin dans le mois qui précède.
Cette très grande fréquence des symptômes, indique la difficulté à classifier dans un épisode existentiel de remise en cause, de souffrance, de perte, ou bien dans une maladie organique ; La question du normal et du pathologique a été travaillée par Georges Canguilhem.

Selon des études, en termes d’incapacité de travail chez l’adulte, la dépression occupe la quatrième place (en nombre d’années d’incapacité) au niveau mondial et pourrait se placer à la seconde place dans les années 2020, juste après les maladies cardio-vasculaires.

Traitements
On ne traite pas les dépressions de la même manière chez le nourrisson, l’enfant, l’adolescent, l’adulte ou la personne âgée ! Pour les adultes, le chapitre des traitements est extrêmement délicat à aborder : tout est dit, essayé et « vendu » à propos des traitements des dépressions : de la marche à pied, aux exercices de pensée positive, à la psychanalyse en passant par les tocs, la luminothérapie, les voyages, etc., etc., jusqu’aux électrochocs voire la psychochirurgie. Le fait que sous « dépression » soient entendus toute une série de troubles ne simplifie pas les choses ainsi que l’aspect commercial (antidépresseurs) qui y est relatif. On doit aussi aborder avec prudence les recherches statistiques qui ont parfois – et trop souvent – plus démontré le parti pris de ceux qui les effectuaient que des résultats fiables et probants sur le long terme. Il est préférable de s’adresser d’abord à des spécialistes (psychiatres, psychologues-cliniciens) avant de s’engager à la légère. En gros, on admet généralement que la psychothérapie et les antidépresseurs agissent au mieux, souvent conjointement, rarement les psychotropes seuls. Le tout dépend aussi, évidemment et encore une fois de l’âge des patients, du type de leur dépression et de leur histoire propre ainsi que des causes éventuellement repérables de « la » dépression (traumatisme, accouchement, burnout, etc.).

Psychothérapies
En première intention et quels que soient les âges en question, le traitement de la dépression se fait avec une psychothérapie dans l’un des modèles psychanalyse, humaniste, systémique ou Psychothérapie cognitivo-comportementale ou autres. Le premier modèle travaille sur les causes intrapsychiques de la dépression, il présuppose un engagement du patient sur le moyen terme. La psychothérapie humaniste, quant à elle, s’intéresse davantage à la personne et à son actualisation. La psychothérapie cognitivo-comportementale pour sa part, s’occupe de la dépression en modifiant les comportements et les idées qui s’y rattachent.

Pour les enfants et les adolescents, la psychothérapie est le moyen privilégié, pour les adultes et les personnes âgées, elle peut s’adjoindre un traitement par antidépresseur .

Médicaments
Article détaillé : Antidépresseur. On ne traite pas un adulte de la même manière qu’un adolescent ou un enfant et qu’une personne âgée. Pour les enfants et les adolescents en particulier, la psychothérapie doit être privilégiée par rapport aux psychotropes. L’indication d’un antidépresseur doit toujours faire l’objet d’un examen psychiatrique approfondi qui tienne compte des différents facteurs, médicaux, psychiques, environnementaux, familiaux et professionnels. Les effets secondaires sont clairement expliqués aux patients et sont de moins en moins minimisés en regard de la baisse d’influence de pharmas comme seule source d’information pour les médecins. On sait par exemple que les études sur le Prozac ont été biaisées dans un sens favorable à leur commercialisation.

Les principales familles d’antidépresseurs sont les IMAO, les Tricycliques, les SSRI, les SNRI et le Lithium. Les SSRI inhibent spécifiquement la recapture de la sérotonine (5HT) en bloquant le site de recapture situé en amont de la fente synaptique. Les SNRI inhibent la recapture de la sérotonine (5HT) et de la noradrénaline. Les Tricycliques et IMAO sont des principes actifs puissants qui modifient la concentration des monoamines du système nerveux central. Les tricycliques inhibent la recapture présynaptique des mono-amines 5HT(sérotonine) et/ou NA. Les IMAO inhibent leur dégradation. Les deux processus aboutissent à l’augmentation intrasynaptique en mono-amines. Ils sont utilisés dans les formes sévères des différents types de dépression. Par ailleurs, les IMAO imposent des restrictions d’associations médicamenteuses et des restrictions alimentaires, Ils ne doivent en aucun cas être associés aux SSRI/SNRI, au risque de déclencher un syndrome sérotoninergique éventuellement mortel.

Le Lithium (proche du sodium et du potassium avec qui il partage plusieurs propriétés) est le régulateur de l’humeur le plus utilisé dans les troubles bipolaires ; Il est efficace dans les trois quart des patients maniaco-dépressifs, mais son mécanisme d’action reste mal connu, tant contre les phases maniaques que dépressives. Dans la cellule, il pourrait altérer le transport transmembranaire du sodium et ainsi modifier la conduction nerveuse. Il augmenterait aussi l’activité du système nerveux sérotoninergique. Il pourrait également agir sur un système de second messager dans le neurone post-synaptique, déclenchent une cascade de réaction biochimique, dont l’une implique le second messager phosphatidylinositol. Le Lithium inhiberait l’enzyme chargée de transformer l’inositol phosphate en inositol libre, d’où une accumulation d’inositol phosphate qui pourrait avoir de nombreux effets dans le neurone post-synaptique. La principale difficulté est le dosage, qui doit être très précis pour minimiser ses effets secondaires (nausée, diarrhée, perte d’appétit, soif, voire insuffisance rénale). Historique :

1959 : Inhibiteur des monoamine oxydases (IMAO)
1960 : Antidépresseurs tricycliques (ATC : Clomipramine)
1989 : Inhibiteurs sélectifs de recapture de la sérotonine (ISRS : Fluoxétine (Prozac), Sertraline, Paroxetine, Citalopram, Escitalopram)
1992 : Inhibiteurs réversibles de la monoamine oxydase de type A (RIMA)
1994 : Inhibiteur de la recapture de la sérotonine-noradrénaline (IRSN : Venlafaxine (Effexor))
1995 : Inhibiteur sélectif de recapture de la sérotonine et du blocage des récepteurs 5-HT2 (ISRS 5-HT2)
1998 : Modulateurs de la noradrénaline et de la dopamine (MNADA)
2001 : Noradrénaline et sérotonine sélectifs antidépresseurs (NASSA)
Selon les cas, certains autres traitements peuvent être associés aux antidépresseurs : somnifères pour aider à restaurer sommeil et repos en attendant l’efficacité du traitement de fond, anxiolytiques, voire médicaments potentialisant l’effet des antidépresseurs.

L’efficacité de la dernière génération d’antidépresseurs (antagonistes de la recapture de la noradrénaline ou de la sérotonine) reste cependant modérée dans les dépressions sévères et quasi nulle dans les formes modérées.

Le millepertuis serait efficace comme antidépresseur chez des patients atteints de dépression légère à modérée, mais pas dans la dépression sévère. Le mécanisme d’action serait une inhibition de la recapture de la sérotonine.

Sismothérapie
Article détaillé : Sismothérapie. La sismothérapie (électrochoc) vise à reproduire une crise convulsive (épileptique). L’intervention est réalisée sous anesthésie générale, sous ventilation assistée après administration d’un relaxant musculaire. Un bref courant est appliqué au niveau d’un ou des deux lobes temporaux. Le mécanisme d’action est encore aujourd’hui mal compris. Son efficacité est démontrée]. Cette thérapie suscite une controverse, alimentée principalement par le caractère d’apparence barbare de cette intervention lors de ses premières utilisations en psychiatrie avant la deuxième guerre mondiale. Elle reste utilisée mais présente occasionnellement des effets secondaires importants pour le patient : pertes de mémoire (rapidement réversibles). Son indication reste les syndromes dépressifs graves après échecs de plusieurs cures médicamenteuses ou en première intention si le pronostic vital est engagé (catatonie) ou si le patient le souhaite.

Stimulation Magnétique Transcrânienne (TMS)
Article détaillé : Stimulation magnétique transcranienne.La Stimulation Magnétique Transcrânienne (TMS, de l’anglais Transcranial Magnetic Stimulation) est une technique non invasive qui permet de stimuler des zones précises du cortex cérébral au moyen d’impulsions magnétiques de très courte durée mais dont l’intensité est comparable à celle utilisée en Imagerie par résonance magnétique (jusqu’à 3 Teslas). L’efficacité de la TMS contre la dépression est aujourd’hui en cours d’évaluation sur le long terme et ses succès actuels n’augurent encore pas de leur devenir dans la durée, et cette technique est désormais utilisée par nombre de services neuropsychiatriques de pays industrialisés. La TMS suscite de l’intérêt car elle représenterait pour certains patients une alternative à la sismothérapie. La TMS fait encore l’objet de nombreuses recherches cliniques qui cherchent à optimiser les paramètres utilisés (fréquence de sti venir à out démulation, nombre de séances, durée des séances, cible neuroanatomique…) avant qu’elle puisse éventuellement prendre sa place dans les traitements à larges indications.
A mon sens, seule une psychanalyse peut véritablement venir à bout d’une dépression, grâce à la mise en relation de l’analysant avec son inconscient.

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